Le projet de réalisation

Un projet de réalisation collectif peut-être une très riche expérience, mais sous plusieurs conditions. Les responsables de son organisation et de son animation doivent souvent faire face à d'importantes contraintes nuisant à la qualité éducative de l'activité. Explications...

 

D'importantes contraintes

 

ADEIFvidéo a une longue et riche expérience dans l'animation d'ateliers de réalisation à buts éducatifs (ici la liste des films réalisés). Nous avons ainsi permis à de nombreux enfants et adolescents de la région Centre et surtout du Loir et Cher de participer à la réalisation de fictions, de publicités, de reportages, de documentaires et de JT. 

 

Pour permettre le bon déroulement et la réussite de ces projets, notre animateur doit gérer de nombreuses contraintes dont principalement :

- des effectifs importants (en moyenne 15 participants) ;

- l'absence d'expérience en réalisation audiovisuelle en début de projet pour environ 90% des participants ;

- une durée d'intervention assez courte : en moyenne 30 heures réparties le plus souvent en séances de 2 à 3 heures. Cette durée est déterminée par les moyens financiers généralement insuffisants des structures organisatrices.

 

Si, malgré cela, les vidéos produites sont généralement plutôt honorables, ces contraintes impactent directement le bilan éducatif de ces projets, plutôt moyen, la quantité et la qualité des apprentissages n'étant pas, le plus souvent, assez satisfaisantes. Pour permettre ces améliorations, l'animateur tente de convaincre les organisateurs de projets de rassembler des conditions et moyens adaptés, mais la tâche est difficile... 

 

 

 

Au sujet de la réalisation de fictions

 

Depuis 2008, nous déclinons les demandes d'intervention pour la réalisation de fictions, genre audiovisuel pour lequel les contraintes deviennent souvent maximales. Le travail d'écriture, de mise en scène et d'interprétation focalisent trop l'attention des participants et des adultes organisateurs au détriment des apprentissages liés la fabrication d'images (découpage technique, prise de vues, dérushage, montage et mixage) et donc aux objectifs d'éducation aux médias audiovisuels du projet.

 

En revanche, nos ateliers d'été et nos ateliers mensuels ont permis aux jeunes participants de réaliser des fictions, entre autres genres, mais de façon très rapide, très spontanée, et avec une autonomie et liberté quasi totale. Pour ces ateliers, notre animateur se limite à donner parfois des sujets, quelques contraintes techniques, à veiller à la sécurité des participants (déplacements en extérieur) et à animer les temps de visionnage et d'analyse critique des créations. 

 

 

Encourager l'autonomie technique et pédagogique

 

Les structures scolaires et d'accueil éducatif gagneraient à entreprendre le plus souvent des projets de réalisation de façon autonome, sans intervenant spécialisé, mais en encourageant leurs équipes d'encadrement à bien se former préalablement et entreprendre des projets adaptés à leurs compétences.

 

Une éducation aux médias audiovisuels pour tous ne peut pas dépendre essentiellement d'une poignée de spécialistes et autres virtuoses de l'audiovisuel, plus ou moins présents sur chacune des régions de l'hexagone, et à qui on demandera de relever les défis les plus difficiles pour permettre la réalisation de films de qualité relativement acceptable et diffusables. L'éducation aux médias audiovisuels ne peut pas non plus se limiter à quelques rares projets de réalisation, les activités doivent être les plus régulières possibles tout au long de l'enfance et de l'adolescence de chaque personne, donc assez simples à mettre en oeuvre et motivantes pour les personnes en responsabilités éducatives.

 

 

 

L'importance des initiations préalables à tous projets de réalisation

 

Le projet de réalisation peut donc rapidement être une activité très difficile à organiser et à animer. S'engager trop tôt dans des projets trop ambitieux est une erreur assez fréquente. La réalisation réclame des initiations préalables, des bouts d'essais, pour ensuite envisager des projets de plus en plus complexes, mais dont le déroulement devra toujours rester agréable, motivant et permettre de multiples apprentissages relevant directement de l'éducation aux médias audiovisuels.  

 

 

 

Observations et hypothèses

 

Voici quelques observations et hypothèses issues des projets de réalisation que nous avons encadrés et de projets entrepris par d'autre équipes et auxquelles nous avons pu en partie assister. Ce ne sont pas des règles formelles, il serait prétentieux d'être catégorique sur la façon dont un projet de réalisation doit être encadré, mais bien des observations et des hypothèses pour une réflexion ouverte sur la pédagogie du projet de réalisation.

 

> La réalisation comme tout ce qui relève de l'éducation aux médias audiovisuels réclame des activités régulières et en partie autonomes. La complexité des projets de réalisation doit être progressive et adaptée au niveau technique, au niveau créatif et à la motivation de ses participants et de leurs encadrants. L'équipe d'encadrement doit être facilitatrice et aidante, mais doit être surtout en observation de ce qui se vie. Les participants doivent être les « chefs d'orchestre du projet » et non l'équipe d'encadrement. Les projets doivent pouvoir être entrepris le plus souvent sans intervenant spécialisé.

> Les personnes responsables de l'organisation et de l'animation de projets de réalisation, tout comme les participants, sous estiment souvent la quantité, la difficulté et la longueur du travail qu'ils entreprennent. Le temps imparti pour l'effectuer est souvent trop court. Les séances d'activité peuvent devenir rapidement trop denses, trop lourdes, parfois stressantes et le rythme de travail trop soutenu. La phase d'initiation est souvent trop rapide.

 

En somme, pour l'équipe d'encadrement, le projet peut représenter un défi technique et organisationnel insoupçonné, peut demander une énergie, une mobilisation et un temps de travail souvent mal évalué. Dans ces circonstances, s'adapter aux participants les plus lents ou les moins motivés peut devenir très difficile. Un projet de réalisation trop usant et trop frustrant peut freiner la motivation des encadrants et organisateurs à renouveler l'expérience, même mieux préparés, voire à délaisser toute activité d'éducation aux médias audiovisuels.

 

 

> Le projet doit impliquer l'ensemble des participants dans toutes les étapes de fabrication de la vidéo et de sa diffusion : recherche d'idées, écriture, tournage, éventuelle interview, dérushage, montage, mixage, analyse critique et éventuelle diffusion publique.

 

Faute de budget et de temps d'activité suffisants, le montage et le mixage sont des étapes pour lesquelles les participants ne sont pas assez impliqués, elles représentent pourtant une activité essentielle en éducation aux médias audiovisuels. Il est donc nécessaire d'adapter les projets de réalisation selon l'effectif de participants.

 

Impliquer réellement un groupe de 20 participants est possible mais très difficile et nécessite beaucoup d'organisation et de préparation pour chaque séance d'activité. 

 

 

> Le projet de réalisation, dans ses différentes étapes, n'est pas si facilement fédérateur et motivant, surtout si l'activité n'est pas assez adaptée aux capacités et besoins des participants.  Les activités de préparation, de tournage et de montage, réclament de nombreux savoirs être : motivation, dynamisme, rigueur, écoute, concentration, patience, persévérance, etc. Des qualités pas toujours acquises ou suffisantes (le projet permettra d'y travailler !) et la tâche peut être parfois rude pour l'équipe d'animation !! 

 

 

> Certains établissements organisateurs de projets et certaines équipes d'encadrement se focalisent sur la qualité attendue des films en cours de fabrication, mais une qualité finalement très relative et discutable. Cette focalisation se fait toujours au détriment de l'appropriation des jeunes au projet, de leur implication, et de la quantité, de la qualité et de l'évaluation de leurs apprentissages.

 

> Pour la même raison, l'implication de certaines équipes d'encadrement dans la réalisation est parfois trop importante. Plusieurs autres raisons peuvent l'expliquer :

  - enjeux éducatifs mal identifiés et compris, voire négligés ;

  - désir personnel mal contenu et trop important de l'adulte de créer et de s'exprimer, le détournant de son rôle éducatif, de l'observation et de l'encouragement des jeunes participants ;

  - trop d'inquiétudes face au délai de réalisation et le manque de temps. 

 

Ces témoignages et hypothèses ne doivent pas démotiver les organisateurs potentiels et les équipes d'encadrement de projets, mais les aider à s'engager sur des activités adaptées, raisonnables et gérables  !